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mardi 5 mars 2024

Le convoi (Beata Umubyeyi Mairesse)




Nationalité de l’auteur: Française et Rwandaise

Éditions Flammarion (10 janvier 2024)

334 pages

ISBN-10: 2080432230

ISBN-13:978-2080432230

Genre: Témoignage

Lu le: 21 Janvier 2024

Ma note: 16/20 






Résumé/4ème de couverture:


Le 18 juin 1994, quelques semaines avant la fin du génocide des Tutsi au Rwanda, Beata Umubyeyi Mairesse, alors adolescente, a eu la vie sauve grâce à un convoi humanitaire suisse.

Treize ans après les faits, elle entre en contact avec l’équipe de la BBC qui a filmé et photographié ce convoi. Commence alors une enquête acharnée (entre le Rwanda, le Royaume-Uni, la Suisse, la France, l’Italie et l’Afrique du Sud) pour recomposer les événements auprès des témoins encore vivants : rescapés, humanitaires, journalistes.

Le génocide des Tutsi, comme d’autres faits historiques africains, a été principalement raconté au monde à travers des images et des interprétations occidentales, faisant parfois des victimes les figurants de leur propre histoire.

Nourri de réflexions sur l’acte de témoigner et la valeur des traces, entre recherche d’archives et écriture de soi, Le convoi est un livre sobre et bouleversant : il offre une contribution essentielle à la réappropriation et à la transmission de cette mémoire collective.

Mon avis:

        Dans ce témoignage bouleversant et percutant, l'autrice revient sur son sauvetage et son évacuation du Rwanda, avec sa mère, au moment du génocide des Tutsi, grâce à un convoi humanitaire. Mais ce livre n'a pas seulement pour but de raconter cet évènement de son point de vue personnel, c'est aussi et surtout l'occasion de raconter une enquête qui a duré près de 15 ans et qui se s'arrête pas. C'est en effet grâce à une vidéo et 4 photos qu'elle a pu récupérer mais où elle ne figure pas, que l'autrice se pose non seulement la question de la légitimité à raconter ce qu'elle vécu mais aussi et surtout sur son rôle de porte-parole pour toutes les autres victimes. Si ce témoignage dans les faits liés au sauvetage et au génocide sont extrêmement intéressants et poignants, j'ai été particulièrement happé par les réflexions qui découlent de ces photos et de son droit à l'image. Le récit est sobre, précis et puissant et permet de faire de lier avec une thématique sociétale actuelle. 

Merci aux éditions Flammarion pour l'envoi de ce livre!

Points de vue/Critiques:

        Si le titre de ce livre, "Le convoi", fait immédiatement penser, comme un automatisme, aux convois qui permettaient de déporter les Juifs dans les camps de concentration durant la Seconde Guerre Mondiale, il permet aussi de mettre ne lumière d'autres sortes de convois qui ont eu lieu au cours d'autres évènements historiques majeurs et tout aussi dramatiques. Née au Rwanda, l'autrice va ainsi baser son livre et son témoignage sur le fait d'avoir pu échapper au massacre des Tutsis, grâce à un convoi humanitaire suisse, qui a pu la faire sortir du pays, accompagnée de sa mère, alors qu'elle avait 15 ans et que seuls les enfants de moins de 12 ans pouvaient être évacués de cette manière. Dans la première partie du livre, l'autrice s'interroge dés lors sur sa responsabilité en témoignant sans trahir ceux qui ont subi le même drame, sans les heurter et sans que son propre vécu et mes mots n'altèrent la vérité. 

        Comme dans la plupart des témoignages, on va suivre vraiment les idées et de discours de l'auteur, sans avoir nécessairement quelque chose de logique, chronologique et/ou factuel dans le récit. Celui-ci alterne bien souvent entre les faits historiques racontés selon les souvenirs et les points de vue et les réflexions actuelles. Il y a ainsi des allers retours entre passé et présent, sans compter les pensées personnelles et tous les éléments liés à la quête entreprise par l'autrice. J'ai ainsi eu un peu peur au début du livre de ne pas réussir à suivre une certaine logique instaurée par l'autrice, mais mes craintes étaient infondées, puisque j'ai parfaitement réussie à être entrainée par le découpage et le raisonnement de l'autrice à travers les différentes parties du livre. 

        L'autrice ayant été vue sur une vidéo filmée et diffusée par la BBC et ayant pu récupérer 4 photographiques sur lesquelles elle n'apparait pas, elle s'est donnée pour mission de retrouver une trace de son évacuation et retrouver les rescapés figurant notamment sur les photos pour leur livrer ce support et le rendre accessible à ces enfants qui y apparaissent. Une sorte de preuve légitime de cet évènement marquant de leur vie, qu'elle n'a pas, elle. Son entreprise et son livre permettent donc de donner aussi la voix à ces autres enfants pour ne pas les oublier et pour leur livrer ce qui leur revient de droit. L'autrice a mis 13 ans pour livrer cette quête et établir une hypothétique liste des rescapés. Et c'est le biais de cette vidéo de la BBC ou ces photos que son témoignage apporte une immense réflexion, qui m'a absolument déconcertée et travaillée, bien plus que le témoignage de l'évacuation en lui-même. En effet, les photos prises par des étrangers peuvent être extrêmement mal interprétées par le biais occidental. Mais c'est aussi et surtout la réflexion autour du droit à l'image qui est véhiculé : comment prouver que vous êtes bien la personne, de surcroit enfant, sur ladite photo? Pourquoi vous est-elle inaccessible? Comment se fait-il que de tels supports soit aussi difficile d'accès, même en simple consultation? Pourquoi les journalistes ne garde-t-ils par précisément de tels supports, sans se rendre compte de leur importance pour les gens filmés ou photographiés? Beata Umubyeyi Mairesse dépeint ainsi parfaitement le sentiment de dépossession que peuvent ressentir ceux qui ont été photographiés, surtout en étant enfant et l'importance que peuvent avoir de telles bases pour la construction d'une personne notamment dans un tel contexte historique dramatique qu'à pu l'être le génocide au Rwanda. La propriété intellectuelle, le droit à l'image, le regard de l'autre, le regard sur l'autre sont autant que questions sociétales actuelles qui jaillissent de ce témoignage. 

En bref:

        Si "Le convoi" fait penser aux déportations des Juifs dans les camps durant la Seconde Guerre Mondiale, c'est plutôt le convoi humanitaire qui a permit à l'autrice et à sa mère, d'être sauvées et exfiltrées du Rwanda au moment du génocide des Tutsi. L'autrice nous livre donc son témoignage sur cet événement mais pas seulement puisque c'est aussi l'occasion de raconter une quête qui a duré près de 15 ans, celle d'établir une liste des enfants rescapés et retrouver les enfants figurants sur 4 photos récupérées, sur lesquelles l'autrice ne figure pas, mais pour les leur rendre accessibles. Si le témoignage dans les faits liés au sauvetage et au génocide sont extrêmement intéressants et poignants, j'ai été particulièrement happée et déconcertée par les réflexions qui découlent de ces photos, bien plus que le témoignage de l'évacuation en lui-même. Car si les photos prises par des étrangers peuvent être extrêmement mal interprétées par le biais occidental, c'est aussi et surtout la réflexion autour du droit à l'image qui est véhiculé. Beata Umubyeyi Mairesse dépeint ainsi parfaitement le sentiment de dépossession que peuvent ressentir ceux qui ont été photographiés et l'importance que peuvent avoir de telles bases pour la construction d'une personne notamment dans un tel contexte historique dramatique qu'à pu l'être le génocide au Rwanda. La propriété intellectuelle, le droit à l'image, le regard de l'autre, le regard sur l'autre sont autant que questions sociétales actuelles qui jaillissent de ce témoignage sobre, précis et puissant.

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